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15 octobre 2012 1 15 /10 /octobre /2012 20:00

 

 

 

INTRODUCTION

            Ce soir nous avons la lourde charge de vous entretenir sur un thème particulier. Thème qui dit les premiers moments de la philosophie grecque. Il s’agit du « poème de Parménide à la lumière du Mythe de la caverne de Platon ». La rencontre de ce thème suscite en nous un certain nombre d’interrogations dont la recherche de solutions possibles a accouchée ce chez d’œuvre que nous allons vous présenter.  Il s’agit de :

-          Qu’entend-on par « le Poème de Parménide » ?

-          Quelle est le message fort du mythe de la caverne ?

-          Quelle dialectique peut-on poser entre «Le poème de Parménide et le mythe de la caverne ?

-          Comment peut-on passer de la richesse de leurs contenus à une praxis ?

Pour arriver à la fin que nous nous sommes fixés, nous avons réparti notre tâche en quatre parties. Nous sommes passés de la présentation du Poème de Parménide à une actualisation en passant par un regard sur le mythe de la caverne et une inter-évaluation du thème.

I-                   LE POÈME DE PARMÉNIDE

1-      PARMÉNIDE

Parler de Parménide nous demande de retourner sur ses traces historiques pour découvrir son espace de résonnance, c'est-à-dire la période dans laquelle il a évolué et quelle était la façon de penser de cette période de l’histoire.

Né vers -530 à Élée, Parménide est de l’école des éléates et sa pensée touche à la métaphysique et au langage. Il est l’auteur du poème De la nature et serait influencé par Xénophane de Colophon. À son tour, il a influencé Zénon d’Élée, Platon, Aristote, Plotin, Hegel, Heidegger, Jean Beaufret et Marcel Conche. Il est le fondateur de l’ontologie[1]. Parménide est mort vers -444.

Il faut donc noter que Parménide se situe dans le grand courant de pensée du cosmocentrisme[2] spécialement parmi les rationalistes. Dans ce courant de pensée, l’importance est donnée à deux actes qui sont constitutifs du cosmos. Il s’agit de la Dikê (justice au sens de l’ordre proportionné qui règne dans la nature) et de la mimêsis (c’est le principe paradigmatique de l’imitation. Ce principe exige des artistes de reproduire les éléments de la nature avec une beauté originale et sans défaut). C’est pour cela que nous allons voir dans le poème de Parménide l’évocation des éléments qui reflètent la beauté de la nature. La dikê sera retrouvée au vers 32 du premier fragment.

2-      LE POÈME DE PARMENIDE : « DE LA NATURE »

Le poème de Parménide renferme toute la pensée parménidienne. Ce poème est divisé en deux parties[3]. La première partie s’achève au vers 52 du VIIIème fragment et la deuxième partie va de ce verset jusqu’à la fin du poème. Ce qui intéresse notre réflexion touche surtout à la première partie qui est d’une cohérence et d’une clarté permettant la compréhension de tout le poème. Mais la deuxième partie ne sera pas totalement délaissée puisqu’elle traite uniquement de l’opinion.

Une lecture approfondie nous permet de faire ressortir de cette partie les éléments suivants qui constituent les différentes étapes de la démarche de Parménide :

·         La vie dans le monde des mortels

·         Le chemin vers le monde de la divinité, « chemin que parcourt l’homme instruit » avec pour guide les filles du soleil

·         Séjour auprès de la Déesse où il acquiert la connaissance grâce aux conseils de cette dernière.

De ces différentes étapes nous pouvons retenir qu’il s’agit dans ce poème du passage de l’ignorance à la connaissance (c'est-à-dire ce qui « est »). C’est un appel à la formation de l’esprit critique si nous voulons emprunter les mots au Professeur ASSALE Dominique[4].  Pour arriver à cela, Parménide demande de connaître et de prendre en compte le vrai et l’opinion. Il dit à ce propos : «I1 faut que tu apprennes toutes choses, et le cœur fidèle de la vérité qui s’impose, et les opinions humaines qui sont en dehors de le vraie certitude» (Fr.1). Car, même si les opinions humaines de par leur nature ne peuvent pas nous convaincre, les connaître permet de former un jugement critique. Parménide ajoute en reprenant les paroles de la Déesse que « c’est avec le raisonnement qu’il faut trancher le problème controverse » (fr.1).  Puisque sans la critique, l’habitude nous rendrait aveugles, sourds et muets devant l’opinion. Mais avec elle, nous arrivons à emprunter la voix qui est nécessaire et juste : celle de la vérité. Si tel est la situation, il nous faut détermine la vision que Parménide avait du monde.

Pour lui, le monde est le lieu où cohabite vérité et erreur.  C’est pourquoi il trouve que : « On a constitué pour la connaissance deux formes sous deux noms ; c’est une de trop, et c’est en cela que consiste l’erreur. » (Fr. VIII). L’erreur provient des considérations de la doxa comme il l’indique dans la deuxième partie de son poème. Il faut s’en départir pour trouver la vérité, et cela relève d’un cheminement personnel.

Platon sera plus explicite en proposant un chemin. C’est ce que nous allons expérimenter dans la présentation de la deuxième partie de notre exposé. Mais avant de passer à cette partie, il convient de noter que Jacob AGOSSOU distingue quatre  situations en rapport avec la physionomie psychologique de l’expérience parménidienne et son impact culturel. Il s’agit entre autres de[5] :

-          « le climat, l’aura  spirituelle d’une telle expérience a manifestement quelque chose de religieux et de sacré »

-          Les éléments qui entrent dans la description du cheminement ont dans leur symbolique même une vérité psychologique profonde ;

-          L’expérience est « essentiellement intellectuelle, de l’ordre de la connaissance ;

-          Mais elle est en même temps « présentée comme essentiellement productrice d’un logos ».

 

 

II-                L’ALLEGORIE DE   LA   CAVERNE

1-      PRESENTATION DE L’AUTEUR

Nous sommes au Vème siècle avant Jésus Christ.  Dans son œuvre intitulée la République, au livre 7, Platon traitera de l’allégorie de la caverne laquelle retrace le parcours à faire pour contempler en vérité et sans ambages le réel.

2-      L’ALLEGORIE

Le mythe de la caverne est une allégorie qui illustre la situation des hommes par rapport à la vraie lumière, c’est-à-dire par rapport à la vérité. Supposons des captifs enchaînés dans une demeure souterraine, le visage tourné vers la paroi opposée à l’entrée, et dans l’impossibilité de voir autre chose que cette paroi. Elle est éclairée par les reflets d’un feu qui brûle au dehors, sur une hauteur à mi pente de laquelle passe une route bordée d’un petit mur.
Derrière ce mur défilent des gens portant sur leurs épaules des objets hétéroclites, statuettes d’hommes, d’animaux, etc...

De ces objets, les captifs ne voient que l’ombre projetée par le feu sur le fond de la caverne. De même, ils n’entendent que les échos des paroles qu’échangent les porteurs. Habitués depuis leur naissance à contempler ces vaines images, à écouter ces sons confus dont ils ignorent l’origine, ils vivent dans un monde de fantômes qu’ils prennent pour des réalités.

Soudain, l’un d’entre eux est délivré de ses chaînes et entraîné vers la lumière. Au départ, il en est tout ébloui. La lumière du soleil lui fait mal, il ne distingue rien de ce qui l’entoure. D’instinct, il cherche à reposer ses yeux dans l’ombre qui ne le blessait pas. Peu à peu, cependant, ses yeux s’accoutument à la lumière, et il commence à voir le reflet des objets réfléchis dans les eaux. Plus tard, il se sent prêt à en affronter la vue directe. Enfin, il deviendra capable de soutenir l’éclat du soleil. C’est alors qu’il réalise que sa vie antérieure n’était qu’un rêve sombre, et il se met à plaindre ses anciens compagnons de captivité. Mais s’il redescend près d’eux pour les instruire, pour leur montrer le leurre dans lequel ils vivent et leur décrire le monde de la lumière, qui l’écoutera sans rire, qui donnera surtout créance à sa révélation ? Les plus sages eux-mêmes le traiteront de fou et iront jusqu’à le menacer de mort s’il s’obstine. On distingue sans peine la signification de cette allégorie. La caverne est le monde sensible dans lequel nous évoluons, le symbole de toutes les dictatures, visibles comme invisibles.

Nous sommes enchaînés dans cette caverne, esclaves de nous-mêmes et de notre éducation. La lumière est au dehors, mais il faut du courage pour la rejoindre, supporter la souffrance et la peur pour affronter la vérité. Nous devrons parcourir le sentier, qui est celui de la philosophie, pour espérer entrevoir la lumière. Cependant le philosophe, s’il est de son devoir de partager son savoir, aura du mal à le faire accepter par ceux qui sont restés dans la caverne. C’est pourquoi il est souvent rejeté. Il pourra dire ce qu’il a vu (et donc compris), mais il ne pourra jamais totalement décrire le chemin par lequel il est passé. L’apprenti philosophe doit donc entendre et accepter, à travers ce mythe, que sa vision du monde est une illusion, car basée sur des a priori, et qu’il doit sortir de la caverne pour se mettre réellement en quête de la vérité. Pour cela, il doit faire preuve d’humilité, appliquer la politique de la table rase, en oubliant ce qu’il a vu dans la caverne. Comment faire table rase ?  

3-      SON SENS

Platon met en jeu ici la condition immédiate de tous les hommes. A travers cette métaphore, il dépeint le caractère imaginaire de notre rapport au réel ; un rapport que médiatisent la langue, la culture, la tradition bref tous les éléments constitutifs de notre personnalité et de notre humanité. La caverne symbolise toutefois cette aliénation de notre esprit qui fait prendre pour un véritable savoir ce qui n’est que croyance ou opinion.

 

 

III-     LE POÈME DE PARMÉNIDE AU CRIBLE DU MYTHE DE LA CAVERNE :

            Ici, notre analyse est de voir d’une part les points communs des deux ouvrages[6], et d’autre part comment Platon a opéré un dépassement de la pensée parménidienne. Mais il nous faut d’abord savoir que les deux auteurs que nous étudions sont tous du courant cosmocentrique.  Seulement que la pensée de Platon est plus récente.

1-      POINTS COMMUNS :

Chez Parménide comme chez Platon, l’objectif est la recherche de la vérité. Pour arriver à cette fin, les deux philosophes ont proposé un cheminement. Il s’agit de quitter le monde de l’opinion chez l’un ; et le monde sensible, celui où les ombres sont considérées comme des réalités chez l’autre. Chez Parménide comme chez Platon, le chemin vers la vérité se révèle comme difficile et réservé à l’homme instruit et au philosophe. La trouver nécessite un effort, un dépassement de soi, un exercice continuel et une détermination sans précédent. Qu’est-ce que Platon a apporté de nouveau dans Le mythe de la caverne ?

2-      NOUVEAUTÉ DE PLATON :

Le mythe de la caverne de Platon est plus explicite. Quand Parménide, dans son poème, parle de façon implicite du monde du commun des mortels, Platon l’a systématisé. Dans la pensé parménidienne, nous avons seulement ce qu’on appel communément la dialectique ascendante sans la descendante même si Scherer pense que chez lui il y a trois voies à savoir : « celle de l’Etre qui est indispensable, celle qui va de l’être à l’opinion, qui est légitime ; et celle qui prétend atteindre directement l’opinion, qui est toujours mauvaise »[7]. Platon pour sa part fait ressorti dans son approche une dernière étape qui est indispensable : celle du retour dans le monde sensible. En effet, après avoir contemplé la vérité et s’être rendu compte de ses ignorances, il faut devenir éclaireur pour la cité. Mais comment peut-on comprendre cela ?

 

IV-             ACTUALISATION

A plus d’un titre, ce mythe peut être appréhendé sous un autre prisme de compréhension. De la doxa à l’aleiteia, la démarche platonicienne surplombe celle parménidienne. Elle ouvre à la contemplatio veritatis où amour et connaissance se jumellent et où le détachement fleurit en espérance. C’est précisément ce détachement qui doit déclencher le retour à la source, le come back de l’esprit pour répandre à profusion l’ultime bien emmagasiné : porteur du bien contemplé, l’ami de la sagesse devient, pour nous, le canal d’un bien qui se diffuse désormais de lui-même : «  bonum diffosivum sui. »  Voilà pourquoi dans nos actions, doit toujours transparaître la splendeur de notre intériorité ; notre vie ne doit être que le fruit de nos heures de contemplation, de nos instants d’union au divin. On ne peut recevoir sans donner, on ne peut passer par le Thabor sans en redescendre pour offrir au monde le Christ contemplé.  Et c’est le pas que nous faisons de plus pour aller au-delà des clichés parménidiens et des poncifs platoniciens ; convaincus de « ne pas être traités de fous et menacés de mort »[8] A titre illustratif, nous avons :

  _ Primo : A propos des différentes étapes de la lectio divina qui sont : la lectio, la meditatio, l’adoratio, l’oratio et  la contemplatio,  nous devons désormais aller plus loin. Il ne faut plus s’arrêter à la contemplatio mais descendre du « Thabor » pour traduire en faits l’événement vécu : la contemplatio doit inexorablement déboucher sur l’actio. Et comme la quête de la vérité et le quaerere Deum (la recherche de Dieu)  se réclament mutuellement, ne devons nous pas nous efforcer de cultiver la charité comme praxis contemplationis ?  Comme un chemin de purification pour parvenir « aux désirs de la pleine lumière »[9] ? 

_Secondo, la vie de l’homme en général et du chrétien en particulier est un exode. Pour ce faire, l’Eglise et ses pasteurs doivent se mettre en route pour conduire  les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers celui qui donne la vie, et la vie en plénitude. Une telle vocation doit nous situer tous sans exception au cœur de la sublime expérience augustinienne du cor inquietum : notre cœur n’aura de cesse que quand il reposera en Dieu[10] ; Dieu sens ultime de notre vie, celui que nous ne chercherions pas s’il n’était pas déjà venu à notre rencontre.[11] C’est lui le terme de notre existence ; la lumière véritable. Notre ultime vérité à nous, c’est Jésus.( cf. Jn 14,6) qui nous fait passer des ténèbres à son admirable lumière (1P2,9) .

 

Conclusion :

Fort de ce que nous venons de dire, vous comprenez que ce thème parle de la vérité et de l’opinion. Qu’il demande de se départir de l’une pour l’autre dans un raisonnement critique. Ce qui nécessite un cheminement, un dépassement de soi et une disposition du cœur. Si pour Parménide le cheminement se révèle personnel, pour Platon il est une invitation. Cette invitation se fait plus retentissante dans la vie chrétienne. Mais ici, elle est surtout une démarche expérientielle avec le Christ.



[1] Jacob AGOSSOU, Cours de l’Expérience spirituelle de l’humanité. Une introduction à l’ontologie de saint Thomas d’Aquin, Abidjan, UCAO, sd., p. 51.

[2]« Le cosmocentrisme est le principe qu’assigne J. M. Ferry au courant ancien, celui de l’époque grecque… (Cosmocentrisme) parce que l’idée de cosmos apparaît comme cadre de référence dont le présupposé permet de comprendre toute information de nature philosophique » selon Dominique ASSALE.

[3] Selon Jacob AGOSSOU, le poème de Parménide est divisé en trois parties. D’abord le prologue, ensuite une partie centrale qui selon le poème est le discours digne de foi et la conception (moêma) qui cerne la vérité, et enfin une dernière partie qui est le « discours de l’opinion ».in Jacob AGOSSOU, Op. Cit., Pp. 53-54.

[4]Dominique ASSALE AKA-BWASSI, cours de philosophie des Grands courants de l’histoire de la philosophie, IRPHIAHS, 2007-2008, Pp. 48-49.

[5] Jacob AGOSSOU, Op. Cit., Pp. 59-62.

[6]« Ouvrage » est pris ici comme chef d’œuvre, travaux, fruits de la réflexion.

[7]René Scherer, l’homme antique et la structure du monde intérieur, Paris, Payot, p. 156.

[8] Platon, La République, France, Flammarion, 1966, p. 39.

[9] Jean Paul II, Mane nobiscum Domine, n.1.

[10]  Augustin, Confessions, 1,1

[11] Cf. Porta Fidei n 1 .

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commentaires

J
merci chers frères de nous avoir conduits hors de la caverne,de l'ignorance à travers cette brillante réflexion sur Platon et Parménide. Mais sachez qu'une question demeure toujours!Pourquoi le<br /> juste à travers l'histoire est victime de la méchanceté des hommes? je pense à Socrate, à Jésus pour ne citer que ceux-là.
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