En relisant le document papal après une distance de Près de cinq mois et à la lumière des imminentes festivités pascales, nous y décelons un florilège d’accents interprétatifs qui ambitionne de sortir l’Afrique de son tombeau selon le paradigme christique. Ce carême qui nous invitait à une réciproque responsabilité se donne à nous comme le premier espace post-parénétique où l’Afrique, paralysée de diverses manières, se retrouve au désert avec le Christ.
Un bref parcours anamnésique de cette exhortation nous permet cependant d’apprécier encore Ecclesia in Africa comme document source de Africae munus qui tout en recadrant la problématique évangélisatrice du continent noir, entend nous situer tous, sans exception sur une certaine ligne herméneutique de la continuité. En choisissant de signer ce document en terre africaine, le Pape a certainement voulu aller au-delà des clichés. Il nous invite à sortir d’un afro pessimisme ambiant ; à quitter l’amour de la justice pour la justice de l’amour ; à être des sentinelles de la vérité qui ne se lassent jamais de se demander ce que l’Afrique peut donner à l’Eglise et conjointement ce que l’Eglise peut être en Afrique. En essuyant les revers du rendez-vous manqué décrié de 1994[1], le Pape offre à l’Afrique – encore saturée de mauvaises nouvelles – les harmoniques d’un continent capable de se relever et de reconstruire une vie spirituelle intime loin des sentiers battus d’une foi par procuration.
Avec un peu plus de vigilance, nous pouvons remarquer, dans le corps du paragraphe précédent, la mise en évidence d’un pentalogue qui évoque en chacune de ses sous-unités des expressions symptomatiques. Ces expressions n’ont certes pas la même facture exégétique, mais il est judicieux d’intuitioner déjà en certaines, des indices résurrectionnels et de voir d’autres afficher toute leur consonance pascale. L’Afrique, devenue le drame de l’humanité bafouée, subit impuissante, le crépitement fatal des avides désirs politiques dont les excroissances collatérales ont pour noms : maladies, misère, guerres etc. La passion de l’Afrique a assez duré ; et il est temps souligne Benoît XVI d’accompagner ce continent qui vit les moments propices pour son salut.[2] Dieu, en pardonnant au monde et aussi à l’Afrique ses péchés, c’est-à-dire tout ce qui l’a longtemps empêchée de s’orienter dans la direction de la vie, lui imprime un nouveau souffle, ouvrant son cœur meurtri et désolé à la plénitude de la vie dans le Christ.[3] Toutefois, les survivances de tous ces siècles d’errance et de marginalisation, loin de tiédir l’Afrique, doivent permettre à son Eglise d’annoncer – en le Vivant – le mystère du salut[4] et de promouvoir la culture de la vie.[5]
C’est pourquoi le Pape le redit encore : « Lève-toi, Eglise en Afrique (…) parce que le Père céleste t’appelle, Lui que tes ancêtres invoquaient comme Créateur, avant d’en connaître la proximité miséricordieuse, révélée dans son Fils unique, Jésus-Christ. Entreprends le chemin d’une nouvelle évangélisation avec le courage qui te vient de l’Esprit Saint ».[6] Le plus souvent, l’expression « lève-toi » utilisée par Jésus pour guérir et sauver est traduite dans l’exégèse biblique par le grec « egeirw ou anisthmi » les deux renvoyant au même « anastasis », terme grec de la résurrection. Par ce document très opportun, l’injonction de ‘’ressusciter’’ est donnée à l’Afrique appelée à renaître de ses cendres. Le Pape y donne à l’Afrique le levier de sa Pâques. Il est temps pour ce continent de se relever et de se dresser, fière comme un palmier. En tout cas, le souhait du Souverain Pontife est de voir cette Afrique tant blessée, inventer les raisons de son espérance et se tenir sur ses jambes pour aller à la rencontre de son Maître et Sauveur – source d’amour et de vérité - en qui s’embrassent la justice et la paix. Par ailleurs, de même que la résurrection du Christ est l’œuvre conjointe des trois personnes divines[7], de même ce document déploie toute sa constance périchorétique où la Pâques africaine, s’effectuera sous les auspices du Père Céleste, du Fils unique Jésus-Christ et de l’Esprit Saint. Africae munus sonne le réveil de l’Afrique. Il inaugure sa ‘’résurrection’’ afin de faire des aléas de l’existence de l’homme africain, un réservoir plein de sens et de significations ; une histoire assumée par le crucifié et restaurée par le ressuscité. Gaude et laetare Africa, Alléluia! Quia tecum surrexit Dominus vere, Alléluia!!!
Spérauld Gilpatrick AGOSSOU.