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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 14:02

  CRUX CHRISTI,  LOCUS REVELATIONIS PATRIS AMORIS

(La croix du Christ, lieu de la révélation de l’amour du Père.)


Nous arborons ici l’extrême et effroyable souffrance rédemptrice du Christ. En acceptant de boire jusqu’à la lie l’amère coupe débordante de la détresse humaine, le Christ vivra une négation identitaire en subissant stoïquement ‘’l’inquisitoriale’’ férule romaine sous le regard approbateur des grands prêtres. Un monothéisme extrémiste et fanatique poussera les hommes de Dieu à tuer le Fils de Dieu au nom de ce même Dieu.

Au cœur de cette mémoire subversive, Dieu nous lance depuis des millénaires un unique et même appel : Contempler son AMOUR qui vainc les velléités, les barbaries et les pires méchancetés humaines. Quelle que soit cependant la distance qui nous sépare aujourd’hui de cet événement,  allons au-delà de clichés pour devenir – au moins ce vendredi – « spirituellement contemporains du Christ ». (Saint Ignace de Loyola)  Il s’agit là de découvrir l’amour du Père  formidablement révélé dans la personne vivante, mourante et ressuscitante du Christ. S’il est vrai que la via crucis fait partie intégrante de la mission rédemptrice du Christ, il est d’autant plus vrai que ces heures douloureuses – que nous donne de vivre ce triduum pascal- constituaient la randonnée immanquable du Père « qui missit filium suum salvatorem mundi ».  La croix devient un locus revelationis (lieu de révélation) non pas pour avoir entretenu comme l’a pensé saint Anselme une théorie de la satisfaction poussée à son paroxysme, mais pour manifester l’incomparable amour du Père qui « ayant tant aimé le monde lui a donné son fils unique » (Jn 3, 16)

Le Vendredi Saint nous donne de mesurer l’amour suprême dans la quête de son auto-donation afin de tourner à sa grâce notre penchant. Ce n’est pas un amour humain, mais un amour divin précisément parce qu’il n’exige pas la réciprocité comme condition de sa propre constance ; parce qu’il aime en dépit des fluctuations de l’homme et des oscillations de l’humain. Dans la croix du Christ, nous découvrons « la révélation de Dieu dans son contraire, dans l’abandon par Dieu du Christ pour ses ennemis, les impies et les pécheurs. »[1] Cette croix manifeste hardiment l’amour paradoxal du Père, c'est-à-dire cet amour qui se donne sans espoir de retour, qui se livre aux libertés humaines sans les manipuler mais tout en provoquant leur conversion. « Si Dieu s’est réconcilié le monde par la croix, cela signifie que Dieu se manifeste dans la croix du Christ (…). »[2]  La souffrance du Christ devient alors la souffrance de Dieu, l’angoisse du Christ l’angoisse de Dieu, la mort du Christ, la mort en Dieu car « la mort du Fils n’est pas la mort de Dieu, mais le commencement de cet avènement de Dieu, où, de la mort du Fils et de la douleur du Père, procède l’Esprit d’amour qui donne vie.[3] Dieu, incapable de s’empêcher de manifester son amour dans l’extrême dénuement du Christ, nous donne d’apprécier – sur la via negationis empruntée et assumée par le Fils – la douloureuse expérience du Dieu crucifié où s’éclot la sollicitude et la proximité compatissante du Père. 

La rigueur profane et la laideur de cette croix  suffisent pour dire que le Christ a connu l’amère tragédie du silence et de l’absence de Dieu : « Eli Eli lama sabatani »  cria t-il. Cette parole reçoit sa portée décisive lorsque nous savons que « alors même que le Fils souffre d’être abandonné par le Père, le Père souffre d’abandonner son Fils bien-aimé par amour des hommes. »[4]

Ce qui est impressionnant le Vendredi saint, c’est la présence insoupçonnée de Dieu dans la croix de l’homme-Dieu et qui nous invite tous à avoir cette mémoire sacramentaire c'est-à-dire à identifier les traces de Dieu dans notre histoire d’homme. Le Père « livre son Fils à la croix pour devenir le Père livré, donné. (…) En abandonnant le Fils, le Père s’abandonne aussi lui-même. En livrant le Fils, le Père se livre aussi, cependant pas de la même manière. »[5] Le Christ manifeste en tout son Père, même en accordant à ses bourreaux le pardon de leurs méfaits : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font.» La Passion et la Mort de Jésus constituent les moments où se déroule, dans la temporalité humaine, le dessein bienveillant, rédempteur et éternel de Dieu.  

 Descendons avec Jésus dans le jardin ; étendons-nous sur sa croix et livrons notre être aux germes d’Esprit pour qu’il habite nos silences et nous donne sa violence : la violence de son amour ; l’amour de sa Passion ; la Passion de sa Mort et la mort de son Fils qui inaugure, sous la poussée du Dieu Vivant, les chemins qui mènent à Pâques. C’est le jeu sans fin de la créature sauvée et restaurée par le Christ, non pas en l’Emmanuel, Dieu avec nous, mais en l’humanité, l’homme devant Dieu.

Que Marie Notre Dame des douleurs nous y aide.


                                                                                                           Spérauld Gilpatrick AGOSSOU.

 



[1] J. MOLTMANN, Le Dieu crucifié, p.76.

[2] Bultmann cité par Moltmann, idem, p.217.

[3] J. Moltmann, idem, p.291.

[4] Ibidem

[5] J. MOLTMANN, op.cit., p.280.

 

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