Après une césure, la maison de formation eudiste de Yopougon, visibilité de la Vice Province d’Afrique, a ouvert à nouveau ses portes depuis le 15 Septembre 2012 pour une nouvelle expérience académico - pastorale mais avant tout communautaire. Aux horizons immédiats et depuis les profondeurs d’une audace missionnaire impulsée autrefois par le « Duc in Altum », surgit pour nous cette année une question du Maître qui exige de chacun un double exercice d’effort, de vérité sur soi et de transparence avec Dieu : « Vos autem quem me esse dicitis ? » (Pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? Lc 9,20) C’est le thème qui nous a permis de nous ressourcer pendant trois jours au centre de spiritualité d’Abatta, et c’est le même qui, pendant longtemps, sera présenté et vécu comme une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin de l’année qui commence. Savamment prêchée avec style et brio par le P. Saturnin Anani Lawson, Recteur de la maison, cette retraite a permis à chacun et à tous d’interroger son identité d’appelé afin de repréciser le rythme et la saveur de la sequela christi. « Pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? » Selon le prédicateur, ce thème plein de sens et de significations, décrit une trajectoire personnalisante qui, fort de sa profondeur mystique, ambitionne d’élever le cœur du disciple au dessus de la mêlée ; lui octroyant ainsi la pleine capacité de passer de l’indéterminé à la précision ; de l’impersonnel à l’implicatif bref de la « δόχα » à l’ « αλετέια » c'est-à-dire de l’opinion à la vérité. C’est une question qui s’adresse aux consciences qui se sont abreuvées à la source christique dans le but d’une redécouverte toujours plus accentuée de l’Homme-Dieu : n’est ce pas là le propre du « discipulus » ? C’est- à- dire du disciple, de l’apprenant ? Non pas un rêveur déséquilibré, mais un homme accompli, normal, utile et au faîte des réalités sociales. Le disciple est un homme et un appelé qui doit, dans l’humilité, connaître ses forces et ses faiblesses et dans l’abandon (Mt 8,34/ Lc9, 23) à la providence divine (Lc 12, 22-31) ; apprendre à porter sa croix en vue d’être initié aux mystères du Royaume. Ce n’est qu’après cette phase initiatique, que le disciple devient apôtre, c'est-à-dire qu’il lui sera ordonné d’aller vers un lieu bien défini selon les deux particules grecques qui composent ce mot : απο et στελλω. Jésus appelle, institue, établit en droits comme en devoirs et couronne le tout par cet impératif missionnaire : « euntes docete » c'est-à-dire, « allez et enseignez» au monde ce que je vous ai appris. Cependant, l’appel du Maître ne cesse de retentir de façon toujours nouvelle ; et la fécondité du ministère reste inviolablement tributaire de la proximité de l’envoyé (apostolos) d’avec l’envoyeur (apostellein). Voilà pourquoi le « vos autem quem me esse dicitis » ne sera pour nous rien d’autre qu’un long processus de maturation vocationnelle et de redécouverte profonde de la volonté rédemptrice qui découle de l’appel divin ; de la réponse humaine, de la vérité de vie et d’engagement. Un appel qui oriente résolument tout appelé (vocatus) sur les voies salvifiques du « Je » (Je suis qui Je suis), un « Je » qui est et demeure via, veritas et vita. Du vocatus (l’appelé) à l’apostolos (l’envoyé), le Seigneur ne cesse pourtant de nous rappeler : « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis pour que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure. »
Spérauld G. AGOSSOU