La barque de saint Pierre traverse ici une autre saison de sa foi. Une étape de sa marche, à la suite du nazaréen, qui vient ponctuer les sept semaines pascales et met pillons sur rue la mission de l’Eglise de Jésus-Christ. C’est le temps où s’accomplit la promesse du fils de l’homme, le temps où les attentes sont comblées, le temps de la confirmation trinitaire, celui qui vient apaiser les doutes et extirper des cœurs toute peur : la Pentecôte.
Appelée primitivement fête de la moisson ou des semaines[1], la Pentecôte est le couronnement d’une marche de sept semaines (chaouoth) après Pessah ; c'est-à-dire cinquante jours après Pâques. On y célébrait sur le Sinaï le don de la Torah. Et c’est l’auteur et l’inscripteur de cette loi qui vient nous remplir de lui et de ses dons [2] : L’Esprit saint, le Paraclet.
En effet, de Paracletos, terme grec qui correspond au latin Ad-Vocatus et qui signifie ‘’celui qui est appelé auprès de’’[3] , il est le Consolateur faisant toute choses nouvelles[4] que Jésus lui-même nomme Esprit de vérité[5], Origine de l’être et de la destinée de toute créature[6]. Il vient, expliquant et confirmant l’alliance du Christ avec les hommes, sceller le signe pascal, rythmant ainsi le temps et la vie de l’Eglise. Dans sa mission de tout restaurer, il consume en tout homme l’ivraie, embrasant de son feu, nous éclairant et nous fortifiant pour vivre en enfant de lumière.[7] C’est pourquoi il ne cesse de nous solliciter ; et nous invite à livrer notre être à ses germes venus se joindre à nos souffrances pour que nous soit accordée sa violence : la violence de Dieu qui guérit, la violence de Dieu qui fourbit. C’est par cette violence qu’il cicatrise en nous les blessures du mal, couvre nos haillons et dissipe les nébulosités de nos actions honteuses. C’est dire qu’à l’heure de la désobéissance originelle[8], il est celui qui comme Esprit de vérité manifesta le péché du monde. Il dévoile par là les distorsions de la relation de l’homme à Dieu, dénonce nos transgressions non dans un élan punitif mais rédempteur nous faisant passer des ténèbres à son admirable lumière.[9] Laissons-nous alors conduire par lui non dans une soumission involontaire, encore moins dans une démission de la raison humaine, mais dans l’accueil et l’acceptation désirés de l’Hôte infini vers qui se tournent nos yeux sans rien exiger que cette présence. Une présence simple et discrète qui vient habiter nos silences : le silence de nos hypocrisies, de nos lâchetés, le silence de nos crimes et de monstruosités. Il nous faut non seulement souvent l’invoquer, mais le laisser aussi nous formater et ressusciter en nous ce qui tend à mourir, ce qui empoisonne nos cœur à cœur afin d’ennoblir, dans une perspective d’éternité, nos silences mortifères. C’est au cœur de cette sublime présence que nous opérons un retour systématique au moteur de notre histoire en qui se trouvent le sens et la dimension de notre salut.
Mais dans notre vie, que n’avons-nous pas fait ? Et lui, que n’a-t-il pas défait pour nous vivifier et transfigurer notre relation à Dieu et de Dieu à nous ? Cependant, il ne fait pas que dynamiser le présent, il fonde aussi le passé et invente notre avenir en Dieu. Il est alors évident que la consommation de l’humanité passe par une ouverture franche à sa Personne. Mais peut –on s’ouvrir à quelqu’un qu’on ne connait pas ? Comment s’ouvrir à un Dieu énigmatique et insaisissable puisqu’il est sans visage contrairement aux deux premières personnes de le Trinité sainte ? Il est donc évident qu’appréhender celui que nous cherchons n’est possible que dans la mesure où nous nous rendons disponibles à ses différentes figures que lui-même nous présente. C’est pourquoi il se révèle comme étant l’Esprit de promesse[10]. Celui qui descendit sur Jésus au baptême sous la forme d’une colombe[11] pour manifester sa pleine divinité ; pour témoigner qu’il est son Esprit[12] ; l’Onction dont il est marqué dès avant sa naissance[13] ; dans sa vie[14] et dans sa mission[15]. Il est l’Esprit du Seigneur[16] qui nous marque du sceau du Père[17] ; le doigt de Dieu[18] qui nous touche et nous restaure ; l’eau[19] qui nous purifie afin de nous conférer l’adoption filiale.[20] De plus, il se dévoile comme la nuée[21] qui manifeste la gloire de Dieu et nous porte vers Dieu. Il est la main qui guérit[22] et qui communique la force de Dieu[23]. C’est au nom de cette force qu’il dynamise la vie intra-trinitaire pour qu’elle ne soit pas un face à face stérile. Sans se lasser, il déclenche en nous la contrition, inaugure notre conversion et opère notre retour au Père : c’est lui qui rassemblant et unifiant le peuple autour de son Dieu, apparait comme le feu[24] qui fond la cire de notre orgueil pour ramener le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères.[25] Il vient ainsi renouveler la face de la terre en dénonçant le péché du monde, brisant les forces du malin, détruisant les racines de l’incrédulité et stigmatisant l’horreur du mal : Il se dévoile comme amour suprême du Père et du Fils. Et face à nos infidélités, c’est encore lui qui reprécise en nous l’image du rédempteur, travaille l’homme à son souffle afin de lui donner forme et visage. A sa lumière, l’homme prend conscience de son trop plein et renonce à faire de sa vie une situation de ruine spirituelle. Soyons donc attentifs à cet hôte intérieur qui vient nous enflammer de son amour et susciter en nous louange, adoration, bénédiction et gloire.
Pour finir, donnons-nous à lui afin de poursuivre efficacement la mission du sauveur qui exige que toute chair voie le salut de Dieu [26] ; que toute conscience s’ouvre à la grâce de la conversion. Une conversion qui est foncièrement et prioritairement accueil de l’Esprit saint, qui s’offre à tout homme comme Esprit de vie éternelle. Par sa grâce qui agit en douceur dans l’intimité de nos âmes, osons reconnaître que le salut est fondamentalement dialogue de foi et d’amour avec le Christ adoré dans le mystère de sa Résurrection. A cette Résurrection, se sont rejointes la volonté de Dieu et les aspirations du cœur des hommes pour porter à son éclosion, l’amour incomparable de Dieu.
C’est ce même Esprit qui prépara la fille de Sion à l’accueil du verbe divin en qui habite toute la plénitude de la divinité.[27] Il réalise ainsi en Marie les desseins bienveillants du Père.[28] C’est toujours lui qui en la Vierge toute pure, manifeste le Fils bien aimé du Père, vrai Dieu et vrai Homme. En elle, il introduit la communion des hommes avec le Christ. Marie, pont immaculé entre le divin et l’humain, veut irriguer nos vies de l’amour de Dieu. Ecoutons simplement ce que l’Esprit dit aux Eglises[29] et laissons-nous combler de Dieu lui-même qui promit autrefois de ne jamais nous laisser orphelins.[30] Maranatha, Viens en nos cœurs Esprit d’Amour.
Spérauld Gilpatrick AGOSSOU
[1] Ex 23,16 / Ex 34,22
[2] Cf Ac 2,3-4
[3] Jn 14,16-26 / Jn 15,26
[4] 2Co 5,17
[5] Jn 16,13
[6] CEC 703
[7] Ep 5,8 / CEC 1695
[8] Cf Gn 3,6-7
[9] 1P2, 9
[10] Ep 1,13
[11] Mt 3,16
[12] Rm 8,11
[13] Is 61 ,1
[14] Lc 4,1
[15] Ac 2,36 /2Co 1,21
[16] 2Co3, 17
[17] Jn6, 27
[18] Lc11, 20 / 2Co3, 3
[19] 1Co12,13 / Ap21,6
[20] Ga4,5
[21] Ex24,15-18/ Ac1,9
[22] Mc6,5
[23] Ac8, 17-19
[24] Si48,1
[25] Ml3, 24
[26] Lc3, 6
[27] Col2, 9
[28] Cf Lc1, 26-38
[29] Ap 3,22
[30] Cf Jn14, 18